Une flambée des prix qui interroge
En ce début de mois de juillet, la Belgique a connu une situation énergétique aussi spectaculaire qu’instructive. Alors que le pays suffoquait sous une vague de chaleur, le prix de l’électricité a connu des variations extrêmes : négatif le dimanche, il a culminé à plus de 500 €/MWh le mardi soir. Une envolée qui interroge sur les fragilités de notre système électrique d’autant que les canicules sont amenées à se répéter de façon toujours plus récurrentes.
« Ce genre de pic est le résultat d’un déséquilibre entre la demande et la production, explique Axel Diriken, ingénieur chez Broptimize. En soirée, la consommation augmente naturellement : les gens rentrent chez eux, cuisinent, allument les lumières. Mais en période de fortes chaleurs, on ajoute la climatisation, souvent poussée à fond pour refroidir rapidement un logement surchauffé durant la journée. »

Or, c’est précisément au moment où la demande grimpe que la production photovoltaïque chute, avec le coucher du soleil. « Si le vent ne prend pas le relais, il ne reste que deux options : importer de l’électricité, mais nos voisins sont souvent dans la même situation, ou démarrer des centrales à gaz. »
Le gaz, très réactif, permet de répondre rapidement à la demande. Mais il est aussi très émetteur de CO₂. « On passe ainsi de 115 à plus de 300 kgCO₂/MWh en quelques heures. C’est une explosion des émissions, en plus d’un choc sur les prix. »
Heureusement, la majorité des consommateurs belges bénéficient de contrats à prix fixe ou semi-fixe. « Ils ne paieront pas directement ces 500 €/MWh. Ce sont les fournisseurs qui absorbent ces coûts… pour l’instant. Mais à terme, ces pics finissent toujours par se répercuter. »
Changer ses habitudes sans perdre en confort
Face à ces tensions, des solutions existent. « Il faut décaler la consommation vers les moments où l’électricité est moins chère et moins carbonée. Par exemple, faire tourner la clim à bas régime en journée plutôt que de la pousser à 17°C en soirée. Le logement reste frais, les matériaux ne surchauffent pas, et la machine consomme moins. »
Pour ceux qui disposent de panneaux solaires, l’intérêt est
double. « On maximise l’autoconsommation, donc le coût de l’énergie est nul ou
très faible. Même si les compteurs tournants à l’envers faussent encore un peu
la donne aujourd’hui, il faut prendre les bonnes habitudes pour 2030. »
Ce mode de fonctionnement est aussi plus durable. « Une
climatisation qui tourne longtemps à 24°C s’use moins qu’une machine qui
alterne entre arrêt complet et fonctionnement à pleine puissance. Et même sans
panneaux, on y gagne : confort, consommation réduite, et contribution à la
stabilité du réseau. »
Consommation, automatisation, isolation : comment agir en entreprise ?
En entreprise, les enjeux sont différents. « On est présents en journée, donc consommer quand le photovoltaïque est actif est moins problématique. Mais il faut éviter d’attendre qu’il fasse trop chaud pour lancer la clim. Il vaut mieux anticiper, lisser la consommation. »
Des solutions technologiques existent également. « Certains systèmes permettent de déclencher automatiquement les appareils quand le prix du marché est le plus bas. Cette logique de consommation dynamique fonctionne aussi en hiver pour le chauffage. »
Mais au-delà des usages, c’est la qualité du bâti qui reste déterminante. « Un bâtiment bien isolé, avec des matériaux biosourcés comme la laine de bois ou la cellulose, résiste mieux à la surchauffe. C’est plus cher à l’achat, mais bien plus efficace à long terme. »
Ces flambées de prix et de CO₂ ne sont pas des anomalies : elles sont les signes visibles d’un système et d’un modèle qui demandent à évoluer. Si rien ne change, ces pics se répèteront, avec leurs conséquences sur le climat, le réseau, nos vies quotidiennes. Mais il est encore temps d’agir. En changeant quelques habitudes, en équipant mieux nos bâtiments, en anticipant intelligemment… on devient acteur d’un changement qui nous concerne tous.