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Repenser mon entreprise à l’heure de la transition énergétique avec Olivier Bouchat

Est-ce que la transition énergétique, c’est vraiment pour moi ? Et par où commencer sans y laisser trop de temps ou d’argent ? Olivier Bouchat de Wallonie Entreprendre répond sans détour à ces questions que se posent toutes les entreprises. On parle de terrain, de freins concrets, de financements accessibles, de transformations réelles et de ce que ça change, pour de vrai, dans la vie d’une PME.
2 octobre 2025 par
Repenser mon entreprise à l’heure de la transition énergétique avec Olivier Bouchat
Thomas PARENT

Le podcast

L'entretien

Thomas Parent : Bonjour à tous et bienvenue dans *Changer Demain*, le podcast qui explore les grands enjeux climatiques et énergétiques avec celles et ceux qui pensent, construisent et interrogent notre avenir. Après avoir abordé la crise climatique et les enjeux énergétiques de notre pays, nous allons parler aujourd’hui de l’accompagnement des entreprises dans leur transition énergétique. Pour cela, j’ai le plaisir de recevoir Olivier Bouchat. Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos auditeurs ?

Olivier Bouchat : Je suis membre du comité de direction de Wallonie Entreprendre et j’ai en charge, avec ma collègue Anne Vereecke, tous les aspects liés à la transition énergétique du tissu économique wallon.

Thomas Parent : Vous êtes donc spécialisé dans la transition énergétique et l’économie circulaire. Wallonie Entreprendre soutient l’entrepreneuriat, l’innovation et la croissance, mais si on zoome sur votre pôle, comment définiriez-vous sa mission ?

Olivier Bouchat : Notre vision, inscrite dans la feuille de route 2025-2029, est d’être un accélérateur de création de valeur durable pour une Wallonie plus entreprenante, compétitive, innovante et circulaire. Dans la transition énergétique, nous voulons être un partenaire de transformation autour de trois piliers : sensibiliser, accompagner et financer. La sensibilisation permet aux entreprises de comprendre les enjeux, la réglementation et les opportunités. L’accompagnement repose sur un réseau d’experts mobilisés selon les besoins. Enfin, le financement s’adapte à chaque projet et à chaque type d’entreprise.

Thomas Parent : Concrètement, si je suis une entreprise, qu’est-ce que je peux attendre de vous ?

Olivier Bouchat : Nous voulons transformer une intention en un projet structuré et déclencher le passage à l’action. Cela commence par un diagnostic stratégique pour identifier les bons leviers, puis par des mises en relation avec des bureaux d’études, auditeurs ou fournisseurs. Enfin, nous assurons un suivi car la transition n’est pas un “one shot” mais un processus continu.

Thomas Parent : Dans les faits, comment cela se traduit-il sur le terrain ?

Olivier Bouchat : Trois étapes : d’abord nos équipes rencontrent l’entreprise, analysent ses flux, installations, équipements et habitudes pour identifier les leviers d’action. Ensuite, nous activons notre écosystème pour réaliser des études de faisabilité, évaluer le retour sur investissement et calibrer la technologie. Enfin, nous mobilisons le levier financier pour transformer un projet techniquement viable en un projet finançable.

Thomas Parent : Dans votre rapport 2024, vous mentionnez 492 millions d’euros investis, dont 30% dans la transition énergétique, soit environ 156 millions. Concrètement, à quoi servent ces montants ?

Olivier Bouchat : En 2024, 156 millions d’euros ont été consacrés à la transition énergétique, soit une augmentation de 50 % par rapport à 2023. Cela représente environ 250 projets. Nous finançons l’offre (les entreprises qui proposent des solutions), la demande (l’intégration de ces solutions) et les infrastructures (parcs éoliens, installations photovoltaïques…). Concrètement : 40 M€ en prêts standards (photovoltaïque, LED, chaudières), 50 M€ en prêts sur mesure (projets plus complexes comme l’électrification de procédés), et 70 M€ en prises de participation (projets industriels ou d’infrastructures : stockage, renouvelables, mobilité durable).

Thomas Parent : Quels types de projets privilégiez-vous ?

Olivier Bouchat : Nous avons défini 11 axes stratégiques : l’économie circulaire (valorisation des déchets, recyclage, éco-conception, synergies industrielles), l’éco-innovation, la production d’énergies renouvelables, les technologies de stockage et bornes de recharge, l’efficacité énergétique, la gestion intelligente de l’énergie, la géothermie et réseaux de chaleur, le captage et stockage du carbone, l’hydrogène, le transport durable et la production de composants pour la transition énergétique.

Thomas Parent : Est-ce qu’il y a un profil d’entreprise plus concerné ?

Olivier Bouchat : Non, nous nous adressons à tous : indépendants, PME, grandes entreprises et même ASBL à finalité commerciale. Chaque dossier est évalué selon son réalisme, son impact et son modèle économique.

Thomas Parent : Imaginons une petite entreprise qui veut se lancer. Par où commencer ?

Olivier Bouchat : Il n’y a pas de recette unique, mais le point commun, c’est oser se lancer, même par un petit projet. Tout commence par un diagnostic clair : consommations, coûts cachés, pertes, contraintes techniques et réglementaires, situation des concurrents, synergies possibles. Cet état des lieux est fondamental.

Thomas Parent : Quelles erreurs fréquentes faut-il éviter ?

Olivier Bouchat : Chercher la perfection, vouloir tout faire d’un coup, attendre la solution idéale. Cela freine l’action. Mieux vaut structurer une trajectoire progressive.

Thomas Parent : Une fois ce diagnostic fait, que vit l’entreprise ?

Olivier Bouchat : Elle rencontre un référent carbone (pour une PME) ou un membre de Wall Energy (pour une industrielle). Ce contact permet d’analyser bâtiments, process, usages et projets à venir. Le diagnostic débouche sur un plan d’action structuré : investissements rapides, investissements lourds nécessaires, calendrier réaliste. L’entreprise a ainsi un fil conducteur.

Thomas Parent : Quels freins principaux observez-vous ?

Olivier Bouchat : Deux catégories. Les freins pratiques : manque de temps, manque de compétences internes, manque de lisibilité dans l’écosystème, lourdeurs administratives. Et les freins culturels : perception que ce n’est pas prioritaire, retour sur investissement jugé trop long, peur du risque. Nous levons ces blocages en proposant un interlocuteur unique, un parcours clair et des quick wins qui créent un déclic.

Thomas Parent : Quand on passe au concret, comment cela se déroule-t-il ?

Olivier Bouchat : Une fois les projets identifiés, il faut lancer les études techniques, activer les partenaires financiers, enclencher les investissements et organiser la mise en œuvre. La responsabilité incombe à l’entreprise, mais Wallonie Entreprendre reste présent pour conseiller, relire, orienter.

Thomas Parent : Dans votre rapport, vous évoquez plus de 950 actions bas carbone. Que recouvre ce chiffre ?

Olivier Bouchat : Ce sont des diagnostics, des feuilles de route, des aides au business plan, des projets identifiés et lancés. Chaque action implique une réduction carbone et une économie générée. Elles proviennent de missions comme Easy Green, le PME Green Challenge ou Wall Energy.

Thomas Parent : Quels secteurs sont les plus actifs ?

Olivier Bouchat : Tous, mais notamment l’agroalimentaire (froid), la logistique et les entreprises multisites. Les TPE, souvent peu outillées, trouvent un accompagnement structurant. Nous travaillons sur l’efficacité énergétique, les procédés industriels, la production renouvelable, le stockage, la flexibilité réseau, les bornes de recharge, la réduction des gaz fluorés.

Thomas Parent : Les entreprises viennent-elles spontanément vers vous ?

Olivier Bouchat : Les deux. Il faut encore accélérer. La sensibilisation reste essentielle : percevoir la transition non pas comme une contrainte mais comme une opportunité de compétitivité, de résilience et d’innovation.

Thomas Parent : Comment sensibilisez-vous concrètement ?

Olivier Bouchat : Par des campagnes, mais aussi via des relais locaux et institutionnels pour toucher toutes les entreprises, même les plus petites.

Thomas Parent : Comment éviter que la transition se limite à des actions ponctuelles ?

Olivier Bouchat : Un projet est souvent vu comme technique et limité. Trop d’entreprises font un geste (changer l’éclairage, installer des panneaux) puis s’arrêtent. Notre rôle est d’ancrer ces transformations dans la culture de l’entreprise : gouvernance, indicateurs, valeurs, vision long terme. Il s’agit d’un vrai changement de paradigme : passer de l’obligation réglementaire à l’opportunité de compétitivité.

Thomas Parent : Pensez-vous ce changement réaliste ?

Olivier Bouchat : Oui. Réduire l’empreinte carbone, c’est aussi réduire les coûts, mobiliser les équipes, stimuler l’innovation et ouvrir de nouvelles sources de revenus. Quand une entreprise perçoit ces bénéfices, elle est convaincue.

Thomas Parent : Avez-vous un exemple inspirant ?

Olivier Bouchat : Une PME familiale active dans la découpe plasma. Reprise par la nouvelle génération, elle a démarré par des panneaux photovoltaïques (soutenus par Easy Green), puis a construit un nouveau hall, ajouté une seconde installation solaire, investi dans des machines plus performantes, lancé un diagnostic via le PME Green Challenge, isolé ses bâtiments, remplacé son éclairage, étudié une batterie de stockage, et électrifié sa flotte. Chaque étape préparait la suivante, dans une trajectoire cohérente et durable.

Thomas Parent : Quels grands investissements prévoyez-vous pour 2025-2029 ?

Olivier Bouchat : 2,5 milliards d’euros au total, dont 700 millions pour l’industrialisation. Deux priorités : infrastructures bas carbone (production, stockage, solutions émergentes) et décarbonation du tissu industriel. Objectif : l’équivalent de 150 000 voitures retirées de la circulation.

Thomas Parent : L’objectif de -55% d’ici 2030 est-il atteignable ?

Olivier Bouchat : Oui, peut-être avec du retard, mais atteignable. La Wallonie a déjà divisé ses émissions par deux depuis 1990. L’Europe doit cependant fournir des mesures claires pour soutenir la réindustrialisation.

Thomas Parent : À quoi ressemblera une entreprise engagée dans 10 ans ?

Olivier Bouchat : Responsable, intégrant la transition dans sa stratégie, prenant en compte des critères financiers, environnementaux et sociaux. Elle créera de la valeur circulaire, coopérera dans un écosystème décarboné, partagera ses flux, formera ses équipes et innovera davantage.

Thomas Parent : Cette entreprise existe-t-elle déjà ?

Olivier Bouchat : Oui, certaines PME wallonnes l’incarnent déjà. Elles ont fait de la transition un vecteur de rentabilité, d’innovation et d’engagement des équipes.

Thomas Parent : Quels seront les marqueurs concrets de cette transformation ?

Olivier Bouchat : L’autonomie énergétique (autoproduction, communautés d’énergie, stockage), la circularité des flux (valorisation de chaleur, réutilisation de l’eau, synergies territoriales), la formation continue des équipes. Et une compétitivité accrue, car demain une entreprise non engagée risque d’être écartée de certains marchés.

Thomas Parent : Donc la transition est aussi un enjeu économique ?

Olivier Bouchat : Tout à fait. Les investissements réalisés aujourd’hui génèrent la prospérité de demain.

Thomas Parent : En tant que professionnel, ressentez-vous que vous faites bouger les choses ?

Olivier Bouchat : Oui, c’est plus qu’un métier, c’est une raison d’être. Déclencher un investissement, voir son impact sur le terrain et constater son effet sur l’entreprise est extrêmement gratifiant.

Thomas Parent : Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous ?

Olivier Bouchat : Garantir un accès à une énergie décarbonée, sécurisée et à un prix compétitif. C’est essentiel pour la performance économique.

Thomas Parent : Quelle est votre plus grande fierté ?

Olivier Bouchat : Voir mes collègues convaincus et souriants malgré les difficultés. Cette détermination et cette énergie collective sont ma plus grande fierté.

Thomas Parent : Enfin, quel conseil donneriez-vous à un entrepreneur qui hésite encore ?

Olivier Bouchat : Le plus difficile n’est pas de changer, mais de décider de changer. Contactez-nous via transition-entreprendre.be, commencez petit, ne restez pas seuls, et enclenchez la dynamique. Chaque geste compte.



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