Énergie et crise climatique : "Regarder la fin du mois ou la fin du siècle ?"

Le diagnostic posé par les climatologues belges et internationaux est sans appel : la situation climatique s’emballe. Une situation qui interroge et qui appelle plus que jamais au changement. Changer, oui. Mais comment ? Entretien avec Xavier Fettweis et Hugues Goosse.
24 avril 2025 par
Énergie et crise climatique : "Regarder la fin du mois ou la fin du siècle ?"
Thomas PARENT

Le diagnostic

Depuis un siècle et demi, la température globale augmente, et ce phénomène ne peut plus être expliqué par les seules fluctuations naturelles du climat. Ce constat, partagé par l’ensemble des climatologues, s’impose comme un postulat de départ peu rassurant.

« Il est vrai que nous nous dirigeons tout droit vers un monde à +3°C d’ici la fin du siècle. En Belgique, cela se traduirait concrètement par +4°C à l’échelle annuelle et +5°C en été. Et donc, concrètement, on verrait des phénomènes tels que des forêts malades (et potentiellement en feu), des sécheresses en été de plus en plus fréquentes tout en gardant un risque élevé d’inondations comme juillet 2021, des étés où les vagues de chaleur actuelles seraient devenu la norme climatique et un climat aux extrêmes devenu imprévisible », explique Xavier Fettweis, climatologue à l’Université de Liège.

« La situation n’est pas irréversible, mais on s’en approche », alerte ce spécialiste en modélisation du climat. « L’été de demain ne ressemblera plus à celui d’hier. Isolation des bâtiments contre la chaleur, agriculture transformée, industries bouleversées : l’adaptation est inévitable. »


Changer, oui. Mais comment ?

Les scientifiques s’accordent donc sur la nécessité de changer nos modèles. Mais il est évident que l’écrire est plus simple que de passer à l’action. « Chaque acteur doit se demander comment contribuer proportionnellement à ce qu’il consomme », explique Hugues Goosse. « Il faut également garder à l’esprit que plus tôt nous fournirons les efforts nécessaires, moins ils seront brutaux et drastiques. Même si nous faisons face à des problèmes de court terme, il s’agit de se demander si l’on regarde la fin du mois ou la fin du siècle. »

Il faut donc activer plusieurs leviers afin d’avoir un impact logique à notre échelle. « Agir sur tous les éléments de la société est la seule voie. Il n’y a pas de solution miracle. Parfois, l’impact est direct – couper son chauffage –, parfois indirect – consommer local pour éviter les émissions liées au transport. Et si nul n’est 100 % vertueux, chacun peut avancer à son rythme, pour autant que la direction soit claire », précise l’ingénieur de formation.

©UCLouvain - Source : https://www.uclouvain.be/en/research-institutes/eli/news/european-geophysical-unions-medal-for-hugues-goosse

Et les entreprises dans tout ça ?

« Elles doivent montrer l’exemple », insiste Fettweis. « En achetant local, en anticipant les investissements vers les renouvelables, elles deviennent plus compétitives à long terme. La première étape est de diminuer la consommation avant de passer progressivement aux énergies renouvelables, afin d’avoir une meilleure empreinte sur l’environnement et de dépendre de moins en moins des autres pays. Cela permettra aussi de rendre le prix de l’énergie un peu moins volatile. »

Mais qu’en est-il du prix ? Cette transition nécessite des choix, des efforts et des ressources. « Il faut percevoir tout cela comme un investissement », ajoute Xavier Fettweis. « Il s’agit d’être prêt pour le futur. Et il est certain que sur le long terme, c’est là que se fera la différence. Il faut donc aider les entreprises dans cette démarche afin d’avancer dans le bon sens. »

Toutes les actions prises ne sont pas pour autant forcément préjudiciables d’un point de vue économique, comme le souligne Hugues Goosse. « Beaucoup de mesures que les politiques ou les entreprises privées peuvent prendre sont en réalité à double bénéfice. Si vous souhaitez que votre nouvelle machine soit plus efficace énergétiquement, cela aura un impact positif sur l’environnement et vous fera économiser de l’argent. Il faut simplement trouver ce qui est adapté à chaque acteur. »

Un défi partagé

Avec la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes qui coûtent de plus en plus cher en vies humaines et aux assurances, il est évident que la crise de demain est désormais celle d’aujourd’hui. « Les bonnes solutions seront celles qui sont à la fois bonnes pour la population, bonnes à court terme, et qui ne vont pas à l’encontre du grand défi de long terme : bâtir une économie moins dépendante aux énergies fossiles », conclut le climatologue de l’Université de Louvain.

Un défi qui dépend plus que jamais de notre pays, de notre continent et de notre économie. « Avec le retour de Trump, les États-Unis vont perdre quatre ans et ne seront pas prêts lorsque les énergies fossiles ne suffiront plus ou deviendront plus chers que les énergies renouvelables », argumente Xavier Fettweis. « L’Europe pourrait alors, en plus d’être un exemple, devenir bien plus compétitive par rapport aux pays qui continuent à appuyer leur économie sur les énergies du passé. »

Les solutions existent, et il faut parfois savoir se positionner pour porter le changement. Alors, à nous de choisir. Non pas entre fin du mois et fin du monde, mais entre l’immobilisme et le mouvement. Car demain commence aujourd’hui.

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